Pour citer cet article : Bertrand, I. Dupuis, C. Courraud C. (2022). Intérêts de la fasciathérapie pour la prise en charge de la lombalgie chronique commune en physiothérapie - Contexte, méthodologie et protocole d’un essai clinique. Réciprocités, 11, 14‑27 : https://zenodo.org/doi/10.5281
Résumé
La lombalgie est une pathologie extrêmement répandue dont la physiopathologie est mal connue et sa prise en charge complexe. Elle mobilise l’intérêt de chercheurs et de cliniciens du monde entier. L’évolution récente des connaissances sur le fascia suggère l’implication de ce tissu dans la lombalgie et ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques. Dans ce contexte, FasciaFrance organisation professionnelle regroupant les praticiens exerçant la fasciathérapie Méthode Danis Bois (MDB) a décidé de monter un essai clinique avec le soutien logistique du CERAP-UFP dans le but d’évaluer les effets de la fasciathérapie sur les dimensions biopsychosociales de la lombalgie (évaluation de la douleur, de la qualité de vie, de la fonctionnalité et de l’anxiété) et d’identifier ses éventuels apports à la prise en charge en masso-kinésithérapie conventionnelle. Cet article présente le contexte scientifique et le protocole de recherche qui a reçu un avis favorable des autorités compétentes.
Mots clés : étude clinique, fasciathérapie, lombalgie, douleur, méthodologie
Introduction
La lombalgie, définie par une douleur située entre la charnière thoraco-lombaire et le pli fessier inférieur, fait l’objet de nombreuses recherches scientifiques. Cette pathologie dont l’origine est multifactorielle, est complexe tant dans d’étiologie que la prise en charge. Quand aucune cause n’est identifiée (traumatique, tumorale ou infectieuse), la lombalgie est dite « commune », et elle est « chronique » quand elle évolue depuis plus de 3 mois (HAS, 2019). Les causes des lombalgies communes restent relativement obscures et probablement multifactorielles.
La Haute Autorité de Santé (HAS) a publié des recommandations de prise en charge en masso-kinésithérapie pour les phases subaiguë et chronique. Cependant, les différentes techniques de soin ne sont pas bien définies (HAS, 2005, 2019). De nouveaux modèles thérapeutiques centrés sur la neuro-physiologie remplacent progressivement les modèles basés sur la biomécanique et de nouveaux programmes centrés sur l’éducation du patient et sur une approche biopsychosociale commencent à voir le jour (Nijs et al., 2011).
Des données récentes (Hoheisel et al., 2015; Langevin et al., 2011; Wilke et al., 2017; Willard et al., 2012) mettent en évidence l’implication du fascia dans la lombalgie et des études cliniques montrent le rôle de divers types de thérapies manuelles (manipulation fasciale, myofascial release) des fascias et leur intérêt dans la prise en charge multidimensionnelle de la lombalgie (Ajimsha et al., 2014; Branchini et al., 2016; Harper et al., 2019; Tozzi et al., 2011). Ce nouvel essai clinique contribuera à mieux comprendre l’utilité clinique de recourir aux thérapies fasciales dans le traitement de la lombalgie. Il permettra également d’identifier s’il existe une spécificité clinique propre à la fasciathérapie MDB et il alimentera la réflexion sur la pertinence d’appliquer la fasciathérapie MDB seule ou en association avec la masso-kinésithérapie.
Lombalgie commune et masso kinésithérapie
Dans ses recommandations de 2005, la HAS recommande principalement les exercices thérapeutiques, le massage, l’électrothérapie et les tractions vertébrales. Peuvent y être ajoutés balnéothérapie, contentions lombaires, thermo/cryothérapie et réflexothérapie. Elle indique également que le protocole ne peut être clairement défini et que certaines techniques comme celles de Sohier et de Mézières peuvent avoir un intérêt. Il est également précisé que le projet du patient doit être pris en compte.
Dans son mémo de 2019, les recommandations sont plus orientées vers le maintien d’une activité physique, l’éducation thérapeutique et la sollicitation de la participation active du patient. Les thérapies dites passives sont déconseillées seules. La lombalgie est envisagée comme une atteinte biopsychosociale et ce sont ces 3 facteurs qui doivent faire l’objet de traitements. Par exemple, les thérapies cognitives et comportementales sont recommandées. Dans toutes les recommandations récentes, la prise en charge pluridisciplinaire est mise en avant, et les thérapies complémentaires ne sont pas écartées, pour leur rôle de support aux soins conventionnels.
Lombalgie commune et fascia
Des recherches récentes ont mis en évidence l’implication du fascia dans la lombalgie, notamment le fascia thoraco-lombaire (Langevin et al., 2011; Wilke et al., 2017). Dans un article de synthèse sur l’anatomie des fascias, Willard (2012) définit le fascia thoraco-lombaire comme « un complexe de plusieurs couches qui séparent les muscles paravertébraux des muscles du mur abdominal postérieur ». Le consensus se fait sur un modèle anatomique en 3 couches, composé du carré des lombes, du fascia transversalis, de l’aponévrose des paravertébraux, du grand dorsal et du dentelé postéro-inférieur (Willard et al., 2012). Cette structure possède des propriétés mécaniques permettant de répartir et de réguler les contraintes qui s’exercent dans cette zone (Gracovetsky, 2008; Vleeming et al., 2014). De nombreuses études ont également montré une innervation extrêmement riche de ce fascia, tant au niveau proprioceptif que nociceptif, voire sympathique, ce qui confère à ce tissu des propriétés sensitives, probablement impliquées dans la lombalgie (Hoheisel et al., 2015; Tesarz et al., 2011; Wilke et al., 2017) .
Fasciathérapie MDB et lombalgie
À ce jour, il n’existe pas d’étude clinique ayant démontré des preuves d’efficacité de la fasciathérapie MDB dans le traitement de la lombalgie commune bien que sur le plan international les kinésithérapeutes du s’intéressent de plus en plus au rôle du fascia dans la prise en charge des pathologies musculo-squelettiques (Kwong & Findley, 2014) y compris dans la lombalgie (Ajimsha et al., 2014; Celenay et al., 2019; Romanowski et al., 2012; Viklund et al., 2015). En France, nombre d’entre eux ont ainsi recours à ce type de traitement et plus particulièrement à la fasciathérapie MDB aux différentes phases de la lombalgie (Trudelle, 2003) estimant qu’elle améliore leur prise en charge kinésithérapique de la lombalgie (Courraud et al., 2016; Dupuis et al., 2019). Ces résultats confirment que les kinésithérapeutes considèrent que la fasciathérapie améliorent leur prise en charge de la douleur physique et de la souffrance psychique (Courraud et al., 2021) qui font partie intégrante de la lombalgie chronique. D’autres études mettent également en évidence un apport bénéfique de la fasciathérapie sur la douleur fibromyalgique (Dupuis, 2016), de l’anxiété (Payrau et al., 2017), du mal-être (Angibaud & Duprat, 2013) ou encore de la perception du corps (Duval et al., 2013). Elles témoignent de l’action multidimensionnelle de la fasciathérapie et justifient son évaluation clinique, fonctionnelle et psychosociale dans le cadre de son action sur la lombalgie.
Sur le plan épistémologique, la fasciathérapie MDB, tout comme l’ostéopathie dont elle est héritière, fait partie des thérapies manuelles qui ciblent leur action sur le système fascial en ciblant tout particulièrement la restauration de ses propriétés contractiles, élastiques, toniques et de mouvement (Courraud, 2019; Courraud et al., 2015). Ces techniques sont dites « non manipulatives » car elles n’utilisent pas de mobilisation forcée. La fasciathérapie est une thérapie manuelle centrée sur la personne, qui sollicite le corps et le psychisme, qui développe la relation au corps dans une perspective éducative (Bois, 2006, 2008). Elle s’appuie enfin sur l’utilisation d’un toucher relationnel qui favorise la relation thérapeutique et le dialogue tissulaire non verbal (Bois & Bourhis, 2012; Courraud, 2009). Ces éléments font de la fasciathérapie une approche mixte thérapeutique et éducative qui s’inscrit pleinement dans une perspective biopsychosociale adaptée à la prise en charge de la lombalgie chronique (Delitto et al., 2012; Qaseem et al., 2017).
Contexte de l’étude et démarches administratives
Une première enquête de pratique conduite auprès de kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie MDB a mis en évidence que ces praticiens utilisaient cette approche quel que soit le type de lombalgie (aigue, sub-aïgue ou chronique) principalement pour son effet antalgique (Dupuis et al., 2019). Cette enquête nous a incité à approfondir cette efficacité clinique perçue en réalisant un essai clinique permettant cette fois-ci d’objectiver les effets sur une population de patients lombalgiques.
Cette étude clinique a pour promoteur FasciaFrance (association regroupant les professionnels de la fasciathérapie MDB). Elle a pour objectif de comparer les apports de la masso-kinésithérapie seule, de la fasciathérapie seule et de la fasciathérapie associée à la masso-kinésithérapie (approche complémentaire en support du traitement conventionnel). L’objectif est d’évaluer l’évolution de la douleur, principale plainte des personnes souffrant de lombalgie. Il a également été choisi d’évaluer les facteurs psycho-sociaux en utilisant des questionnaires sur la qualité de vie, la fonctionnalité et l’anxiété.
Le protocole de recherche a été élaboré selon les recommandations gouvernementales françaises en matière de recherche impliquant la personne humaine (JORF, 2012; Ordonnance n° 2016-800 du 16 juin 2016 relative aux recherches impliquant la personne humaine, 2016; Décret n° 2017-884 du 9 mai 2017 modifiant certaines dispositions réglementaires relatives aux recherches impliquant la personne humaine, 2017). Etant donné qu’il s’agit d’une recherche de catégorie 2, dite interventionnelle[1] elle a été soumise conformément à la réglementation à un Comité de Protection des Personnes (CPP) pour accord. Un avis favorable pour mener cet essai a été donné le 12 décembre 2020 par le Comité de Protection des Personnes (CPP) d’Île de France. Le protocole a ensuite été déposé dans la base internationale clinicaltrials.gov qui recense les essais cliniques dans le monde. L’étude a débuté le 6 mai 2021 et devrait se terminer en septembre 2022 (date d’inclusion des derniers patients). L’analyse des résultats se fera, selon le calendrier prévisionnel de l’étude à partir de janvier 2023 et la publication des résultats finaux est prévue pour septembre 2023 (Schéma 1)
Schéma 1 : Calendrier de l’étude (des premières démarches administratives à la date de publication)
Présentation du protocole de recherche clinique
Il s’agit d’un essai clinique randomisé en clusters répartissant les praticiens de façon aléatoire (blocs de taille aléatoire) en 3 groupes distincts : un groupe pratiquant uniquement la kinésithérapie conventionnelle, un groupe pratiquant des actes de kinésithérapie conventionnelle et de fasciathérapie et un groupe pratiquant uniquement la fasciathérapie (Schéma 2)
L’étude est multicentrique car les patients sont accueillis dans des cabinets de kinésithérapeutes exerçant la kinésithérapie et la fasciathérapie répartis dans toute la France. Les praticiens inclus dans l’étude sont tous masseurs-kinésithérapeutes et formés à la fasciathérapie (minimum, validation de la première année de formation, soit 105heures) afin d’assurer l’homogénéité du groupe. L’étude prévoit une inclusion de 60 praticiens, le recrutement étant réalisé par FasciaFrance à travers une lettre d’information. Les praticiens inclus reçoivent les documents nécessaires à l’application du protocole de recherche : design de l’étude, procédures d’anonymisation et d’inclusion des patients, lettre d’information pour les patients, formulaires de consentement, questionnaires.
Schéma 2 : Répartition des praticiens et des patients en 3 groupes par randomisation
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Mode d’inclusion des patients
Il est prévu que chaque praticien inclue entre 3 et 5 patients. L’objectif est d’inclure au moins 180 patients au total (60 patients minimum dans chacun des groupes) (Schéma 2). Les patients inclus présentent une lombalgie commune chronique et consultent ce praticien pour ce motif pour la première fois. L’inclusion est faite une fois que le patient a pris connaissance et signé le formulaire de consentement.
Chaque patient inclus reçoit ensuite 5 séances (de fasciathérapie seule, de masso-kinésithérapie seule ou de masso-kinésithérapie et de fasciathérapie selon le groupe) d’une durée allant de 30 à 45 minutes réalisées sur une période de 3 mois maximum.
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Critères de jugement retenus
Les critères d’évaluation retenus sont au nombre de cinq, le critère principal est la douleur, mesurée par l’échelle EVA (évaluation visuelle analogique), les critères secondaires sont une évaluation fonctionnelle (Dallas), une évaluation de la qualité de vie (SF-12), une évaluation de l’anxiété (STAI Y), une évaluation de l’évolution de la consommation médicamenteuse (antalgiques et psychotropes).
Ici on aurait pu mettre le calendrier de passation des questionnaires (Tableau 1).
Tableau 1 : Critères de jugement choisis et type d’évaluation retenue
Critère de jugement |
Type d’évaluation |
|
Douleur |
Principal |
Echelle Visuelle Analogique (EVA) |
Fonction |
Secondaire |
Auto-questionnaire de Dallas |
Anxiété |
Secondaire |
Auto-questionnaire SF-12 |
Qualité de vie |
Secondaire |
STAI-Y (mesure du trait et de l’état d’anxiété) |
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Traitement et analyse des données
Les données sont recueillies par les praticiens, puis colligées et anonymisées par les investigateurs. Elles sont ensuite saisies dans la base de données sous format ACCESS. Le traitement statistique est réalisé en aveugle par des statisticiens indépendants avec le logiciel Stata (version 15, StataCorp, College Station). Les variables continues seront présentées sous forme de moyenne et écart-type, sous réserve de la normalité de leur répartition (test de Shapiro-Wilk au besoin). Les variables qualitatives seront exprimées en effectifs et pourcentages associés. Des représentations graphiques seront, autant que possible, associées à ces analyses.
Une description des déviations du protocole, des patients répartis selon ces déviations et des causes d’abandon sera également réalisée. Le nombre de patients inclus et la courbe des inclusions seront présentés par groupes de randomisation.
Discussion
Cette étude est réalisée dans le but d’évaluer la pertinence du recours à la fasciathérapie MDB dans le contexte spécifique de la prise en charge de la lombalgie par des masseurs-kinésithérapeutes. La comparaison des résultats des 3 groupes devrait permettre d’identifier si la fasciathérapie possède une efficacité propre (en comparant les résultats du groupe fasciathérapeute avec le groupe kinésithérapeute) et si son association à la masso-kinésithérapie est supérieure à l’application de la fasciathérapie ou de la kinésithérapie seule (en comparant les résultats des 3 groupes). Dans ce contexte, l’utilisation de questionnaires couvrant les dimensions physiologiques (douleur, fonction), psychologiques (anxiété) et sociales (qualité de vie) devrait favoriser une meilleure compréhension des secteurs dans lesquels la fasciathérapie MDB est cliniquement utile voire complémentaire avec la masso-kinésithérapie. La portée de cette étude dépasse le cadre de la fasciathérapie pour s’inscrire dans une réflexion plus large sur la place des approches complémentaires et leur association avec la médecine conventionnelle dans le traitement de la lombalgie. Aux Etats-Unis, les thérapies complémentaires telles que la méditation, le yoga, l’acupuncture sont recommandées par l’American College of Physicians (Qaseem et al., 2017) et le National Center for Complementary and Integrative Health considère que ces approches globales centrées sur l’unité corps/esprit obtiennent une amélioration plus importante sur la douleur et la fonction avec un coût moindre que les soins habituels (Cherkin et al., 2016; Chou et al., 2017; Herman et al., 2017). En France, la situation est différente puisque les autorités de la masso-kinésithérapie s’opposent aux thérapies complémentaires comme la fasciathérapie MDB considérant qu’elles n’ont aucun intérêt clinique et qu’elles ne font pas partie du champ de compétence du masseur-kinésithérapeute (CNOMK, 2012). Nous pouvons espérer que cette étude contribuera à éclairer cette situation dans l’intérêt des patients et des professionnels de santé conventionnelle.
Les limites de cette étude sont liées aux contraintes méthodologiques imposées par ce type de recherche. En effet, le mode de recrutement des praticiens ainsi que celui des patients ne permet pas a priori d’apparier les groupes de manière homogène (nombre d’années de pratique des interventions, sexe, âge, durée de la lombalgie, intensité de la douleur, etc.). L’analyse statistique ne pourra qu’évaluer ces facteurs a posteriori.
L’homogénéisation de la formation des praticiens imposée par le CPP ayant donné l’accord pour cette étude (nécessité d’être formé à la masso-kinésithérapie et à la fasciathérapie) permet d’avoir une population semblable mais n’est pas sans poser problème. En effet, l’ensemble des praticiens étant a priori favorable à la fasciathérapie, il pourrait être fait grief si les résultats sont en faveur de la fasciathérapie que ceux-ci auraient pu privilégier la fasciathérapie par rapport à la kinésithérapie. De plus, les praticiens connaissant leur groupe d’affectation, ils peuvent consciemment ou non intervenir dans son efficacité (majoration de l’effet placebo ou nocebo par exemple).
En attribuant de façon aléatoire les praticiens à un groupe par la randomisation, le risque est de se retrouver dans une situation où certains d’entre eux sont amenés à réaliser des soins qui ne sont pas conformes à leur pratique habituelle (un praticien exerçant uniquement la fasciathérapie dans sa pratique courante peut avoir été affecté au groupe kinésithérapie et inversement un praticien exerçant uniquement la kinésithérapie peut se voir allouer au groupe fasciathérapie) et d’avoir ainsi une variabilité dans l’expérience de la pratique de la fasciathérapie. Ce phénomène est important car selon une étude (Courraud, 2015) peu de kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie pratiquent uniquement la kinésithérapie. La situation idéale aurait été de constituer des groupes qui reflètent la pratique réelle de la fasciathérapie par les masseurs-kinésithérapeutes en rassemblant ceux qui exercent uniquement la fasciathérapie et ceux qui combinent fasciathérapie et masso-kinésithérapie et en créant un groupe de masseurs-kinésithérapeutes qui ne pratiquent pas la fasciathérapie. Cette voie n’a pu être suivie car la randomisation était une obligation imposée par le CPP pour valider l’étude. On peut donc s’attendre à des résultats variables à l’intérieur des groupes qui devront être discutés en tenant compte du niveau d’expérience de la fasciathérapie des praticiens.
Enfin, bien que les patients ne connaissent pas le groupe auquel le praticien a été affecté, il leur sera facile de deviner à quel groupe ils appartiennent dès qu’ils auront connaissance du type d’intervention qu’ils reçoivent (fasciathérapie seule, fasciathérapie et kinésithérapie, kinésithérapie seule). Ce phénomène pourrait modifier leur implication et leur adhésion au traitement. En effet, il est tout à fait possible que les patients ne soient pas satisfaits de recevoir un soin qui ne correspond pas à leurs attentes et à leur demande (soins de fasciathérapie alors qu’ils souhaitent des soins de kinésithérapie conventionnelle ou inversement). Cette situation est tout à fait possible puisque les praticiens sont souvent consultés pour leur spécificité d’exercice et donc potentiellement pour leur compétence en fasciathérapie comme cela a été observé dans l’enquête de pratique sur la prise en charge de la lombalgie en fasciathérapie (Dupuis et al., 2019).
Ces remarques posent la question de la pertinence de l’application des règles de la recherche clinique et biomédicale sur les thérapies manuelles, sachant que l’efficacité d’une thérapeutique manuelle repose pour une part importante sur l’adhésion du praticien et du patient (Bialosky et al., 2017) et peu sur la technique elle-même. Les résultats de cette étude devront être analysés en fonction de ces variables inhérentes à la pratique clinique.
Conclusion
Cet essai clinique d’une telle ampleur est le premier de ce genre concernant la fasciathérapie MDB. Il s’inscrit dans une continuité scientifique visant à confirmer l’efficacité perçue sur la lombalgie par les praticiens qui exercent cette approche. Les résultats devraient permettre d’obtenir une estimation quantifiable de la pertinence clinique de la fasciathérapie et de sa spécificité dans la prise en charge de la lombalgie chronique commune. Ils contribueront également à mieux comprendre l’intérêt et les éventuels bénéfices pour les masseurs-kinésithérapeutes d’associer à leur pratique conventionnelle la fasciathérapie dans le traitement de la lombalgie. Les contraintes inhérentes à ce type recherche appliquée aux thérapies manuelles méritent d’être connues afin d’être pris en compte dans l’analyse des résultats. A ce stade, la totalité des 60 praticiens ont été recrutés et les 3 groupes constitués. Les inclusions de patients ont débuté en mai 2021 et se termineront en septembre 2022. L’analyse des résultats et leur publication est prévue pour septembre 2023. Les circonstances extérieures et l’évolution de la crise sanitaire pourraient sont toutefois susceptibles de modifier ce calendrier.
[1] En France, il existe 3 catégories pour « les recherches impliquant la personne humaine » qui sont définies en fonction de leur niveau d’intervention sur la personne les recherches, de catégorie 2, sont interventionnelles et ne comportent que des risques et des contraintes minimes (ex.: administration de médicament conforme à l’AMM). Toutes les recherches sont soumises à l’avis d’un CPP dont la désignation est aléatoire et qui fait en quelque sorte figure de guichet unique. Elles font aussi l’objet d’une diffusion dans un répertoire public. De même, certaines règles protectrices des sujets de la recherche sont étendues à toutes les catégories d’études (régime de responsabilité, interdiction des contreparties financières...)