Professeur d’éducation physique et sportive (EPS) et psychopédagogue à médiation corporelle, je suis actuellement doctorante à l’université Fernando Pessoa de Porto. Ma recherche doctorale aborde la question du corps sensible et de la motivation, elle s’inscrit dans la lignée réflexive du colloque AFRAPS puisqu’elle concerne « l’expérience corporelle vécue en première personne » (Depraz, Varéla, Vermersch) et met en avant la faculté d’« être à l’épreuve de son expérience ». Cette thématique évoque l’expérience formatrice en ce qu’elle insiste sur la nécessité d’un enrichissement, d’un renouvellement, d’un changement, ou d’une transformation… de quelque chose, et, pour ce qui concerne ma recherche, la transformation de la manière d’être à soi et au monde.
Cette aptitude de l’être humain à se renouveler se paie cependant d’un prix, celui d’une mise à l’épreuve des certitudes, des convictions et des présupposés de la personne… C’est ce que soulignent Courtois et Pineau : « cette irruption du contact direct de l’expérience n’est pas si fréquent. En effet, s’interpose habituellement entre l’organisme et son environnement une zone tampon intermédiaire, invisible, faite des rapports habituels que l’organisme entretient avec ce qui l’entoure. Cette zone tampon fait que souvent rien n’arrive. » (1991, 29). Dans le cadre de ma recherche les actions éducatives mises à l’œuvre pour lever cet écran privilégient le rapport au corps et l’enrichissement des potentialités perceptives.
La pédagogie perceptive mise à l’œuvre dans les approches du Sensible s’appuie résolument sur des actions physiques menées sur le corps à travers une approche manuelle et des mises en action gestuelle. On comprend bien que ces actions physiques apportent un relâchement et une détente physique chez les personnes, cependant je constate que les mises en situation pédagogiques enrichissent aussi les ressources attentionnelles et les compétences de présence à soi. La présence à soi doit être entrevue, ici, sous l’angle d’une compétence à accéder à l’intériorité vivante. Pour parvenir à cette fin, la pédagogie perceptive déployée vise à aider la personne à : reconnaître ce qu’elle éprouve, à donner une valeur intelligible à ce qu’elle vit, et enfin, à opérer un retour réflexif sur l’expérience qu’elle a vécu.
C’est à travers ce mode opératoire que le choix de mener ma recherche sur la motivation s’est précisé. En effet, de façon quotidienne, au cœur de ma pratique pédagogique, les personnes me témoignaient des changements de comportement qui évoquaient de véritable relances motivationnelles : « Suite à vos séances, j’ai pris la décision de reprendre une activité professionnelle » ou encore, « Jusque-là, je n’avais plus de goût à rien, et aujourd’hui j’ai repris ma vie en main » et enfin, « Je ne saurais dire comment je change, mais je change ». Ces témoignages m’interpellèrent suffisamment pour me pousser à engager une recherche doctorale autour de l’impact des actions éducatives corporelles sur la mobilisation des ressources motivationnelles de la personne.
Je tiens à préciser que ma recherche doctorale est en cours d’élaboration, voire même en chantier. Cet article est constitué de cinq parties qui se déclinent de la manière suivante : contextualisation, quelques données théoriques sur le champ de la motivation, le corps Sensible comme lieu de motivation, de l’expérience du corps Sensible au concept de la motivation immanente et enfin, les perspectives épistémologique et méthodologiques que j’ai adopté pour questionner l’impact de la pédagogie perceptive sur la mobilisation des ressources motivationnelles à renouveler sa manière d’être à soi et au monde.
Le matériau de données étant en cours d’analyse et d’interprétation, je ne présenterai pas le résultat de cette recherche.
Quelques données théoriques sur le champ de la motivation
Ma recherche comprend deux masses critiques, la première questionne l’expérience sensible qui se donne à vivre au cœur des actions éducatives physiques sollicitant les potentialités perceptives, la seconde concerne le vaste champ de la théorie des motivations. L’articulation entre ces deux masses critiques constitue en fait l’objet de ma recherche qui tente de relever comment un vécu corporel, sensible et intense, participe à la mobilisation motivationnelle d’une personne.
Pour l’avoir exploré en profondeur, le champ théorique de la motivation est extrêmement vaste. Comme le dit Fenouillet, « à l’heure actuelle, plusieurs dizaines de théories expliquent ce qu’est la motivation, (…) et la difficulté est qu’il n’existe pas de théories à même de rendre compte l’ensemble des phénomènes dits motivationnels (2003, 8). Dès les années trente, Dichter s’interroge sur les liens entre motivation, raison et sentiment, à travers des questions simples : « Quel est le lieu de la motivation ? La motivation vient-elle de la raison ou des sentiments ? ». C’est justement ces questions qui sont au cœur de ma réflexion. En effet, la motivation que j’interroge procède d’un vécu interne, intense et sensible, situant du même coup le lieu tangible de la motivation qui est mise à l’œuvre dans la relation sensible au corps. Dans cette perspective, la dimension du sentir sollicitée invite à considérer la motivation sous l’angle du sentiment sans pour autant l’opposer à la raison.
Le modèle de Deci et Ryan (1985-2002) décline les motivations extrinsèques en régulation externe, régulation introjectée, régulation identifiée et régulation intégrée, et montre la part plus ou moins autodéterminée du sujet à développer le sens et la réalisation de lui-même. La motivation intrinsèque, quant à elle, nécessite une autodétermination plus accomplie sur la base de valeurs internes et de besoins innés chez l’humain à savoir le besoin de compétence, et le besoin de réalisation de soi. Le concept d’autodétermination omniprésent dans mon champ théorique, reste au cœur d’une action intrinsèquement motivée comme le préconisent Vallerand et Blanchart (1998), Vallerand et Grozet (2001) dans leur modèle hiérarchique de la motivation.
Dans un registre différent, la motivation est entrevue par Nuttin en tant que fonction de relation. Cet auteur perçoit la motivation comme « l’aspect dynamique de l’entrée en relation d’un sujet avec le monde » (1980, p.13). Pour lui, la motivation est une interface dynamique et une fonction de relation entre soi et le monde et non, comme je souhaite l’étudier « entre soi et soi ».
Pour m’inscrire dans la perspective de la relation de soi à soi, je me suis naturellement appuyée sur le concept « d’auto-actualisation » de Rogers qui promeut la tendance innée de la personne à aller vers la « vie pleine », sur la base d’une expérience en lien avec un sentiment d’existentialité. « Une manière d’exprimer la fluidité présente dans ce style existentiel est de dire que le moi et la personnalité émerge de l’expérience » (Rogers, 1968, 153). Ce besoin s’exprime sous la forme dynamique d’un processus, une sorte d’entrelacement entre une motivation à exister et une motivation à agir en concordance avec soi-même. On retrouve là, les bases d’une théorisation bien connue et soutenue par Maslow à travers sa pyramide des besoins. Celle-ci montre que l’homme est tourné vers son ascension, c'est-à-dire vers l’autoréalisation devenant un besoin fondamental de réalisation de soi.
Au-delà de cette vision humaniste, on constate que la motivation est peu abordée sous l’angle de la relation à soi et du sentiment. Or, nous savons de façon empirique qu’un vécu d’un état de bien être dans le corps a une influence positive sur la manière dont nous nous apercevons et nous jugeons. Cette donnée introduit la subjectivité et la perception dans le champ théorique de la motivation.
Cependant, la dimension subjective introduit des phénomènes complexes à étudier tels que la conscience de soi ou la présence à soi. Dans cette mouvance, Larochelle précise qu’« avant toute motivation, il y a une prise de conscience de soi, une prise de conscience de la capacité de vouloir et de la liberté de cette volonté à se manifester en actes, à devenir autre qu’elle n’est présentement. » (2009, 45). Dans le cadre de ma recherche, au terme prise de conscience, j’ai préféré la notion de présence à soi plus en phase avec la part active qui place le sujet au cœur de son expérience vécue en amont de ses représentations, comme le postule Honoré : « dans l’ouverture à la présence, j’excède mes représentations, mes significations, mes valeurs, mes croyances, mon mode habituel de penser, pour aller vers ce qui est présent, en me laissant envelopper par la présence elle-même. Butant sur les limites de la pensée, je n’acquiers pas un savoir sur cette présence, mais j’en fais l’épreuve » (Honoré, 2005, 284). Bois de son côté, introduit la notion de corps Sensible donnant lieu à une présence à soi caractéristique : « Habituellement, la notion de présence concerne surtout la relation à autrui ou à l’environnement : je suis présent à une personne à, ou à une situation. Mais ici, il s’agit d’une présence à soi, à partir d’un contact conscient avec l’intériorité du corps, que le sujet découvre comme étant un support inédit de relation.» (Bois, 2007, 341).
On retrouve chez Lamboy, une dimension d’intériorité dans laquelle « nos pensées, nos croyances, valeurs privilégiées ne suffisent pas à nous donner le sentiment de soi et le sentiment d’exister vraiment. Y parvenir, nécessite de rejoindre une dimension plus substantielle, plus organique, où la vie se donne en direct. La corporalité expérientielle ouvre sur des réalités insoupçonnées. » (2003, 180). Elle ajoute plus loin que « se rapprocher de soi revient peut-être à reconnecter une source qui tout en passant par soi, déborde le concept de soi » (Ibid., 29).
Comme nous le précise Lamboy, « en allant à la rencontre de soi, la personne touche à l’autorité du vivant en elle, qui se donne comme force créatrice et une incitation à la suivre. » (Ibid., p. 32). Nous voyons apparaître comme en filigrane cette poussée et cette force si chère à la motivation et à l’implication du sujet. Les recherches sur le Sensible vont dans ce sens en proposant de renouer avec « le principe du vivant » du corps qui pousse à être, à devenir et à se renouveler (Bois, 2007), ou encore comme le dit Rogers (1968, 2005) à se laisser guider par cette « autorité interne », idée prolongée par Gendlin (1984), à faire corps et âme avec « ce qui nous porte en avant (carrying forward) ».
Le corps sensible comme lieu de motivation
Le corps dont il s’agit ici est le corps sensible au sens d’un corps caisse de résonance de l’expérience perceptive, affective et cognitive qu’un sujet éprouve lorsqu’il entre en rapport de présence à lui-même. « La sensibilité désigne cette propriété de tout tissu vivant d’être réactif et signe l’appartenance du vivant au monde qui l’entoure. » (2007, Bois, Austry, 6). Le Sensible (définit avec un « s » majuscule) ne désigne pas seulement la faculté perceptive liée au cinq sens et à la proprioception, ou encore la dimension affective ou émotionnelle, mais la capacité du corps à « s’auto-affecter », pour reprendre un terme cher à Henry (2004). « Pris comme adjectif, nous disent Berger et Bois (2008), – comme dans l’expression « le corps sensible » – le terme « sensible » désigne donc pour nous en premier lieu une certaine caractéristique du fonctionnement corporel qui lui permet, (…) de se faire la chambre d’écho de toute expérience du sujet. Pris comme substantif – « le » Sensible – il s’agit de la modalité perceptive elle-même, par laquelle le sujet peut accéder aux messages ainsi délivrés dans et par son corps.»
Pour bien comprendre cette notion de subjectivité particulière décrite dans les expériences du Sensible et cette notion de corps Sensible, je me suis appuyé sur la synthèse que Bois a réalisée au cours de sa thèse de doctorat. Il y définit les contours des différents rapports qu’un être humain peut entretenir avec son corps, qui vont d’un corps perçu comme une machine, corps utilitaire soumis à la volonté de la personne, à un corps sensible, caisse de résonance de l’expérience et source de connaissance pour le sujet qui vit l’expérience. Le tableau qui suit nous permet de mieux comprendre la finesse des nuances de ces différents statuts du corps et de mieux comprendre la nature de subjectivité en jeu dans la notion de sujet sensible.
Tableau 1 : Les différents statuts du corps (D. Bois, 2000)
Les statuts du corps |
Fonctions |
« J’ai un corps » |
Corps utilitaire, corps machine, corps étendue |
« Je vis mon corps » |
Corps ressenti (douleur, plaisir) nécessitant un contact perceptif |
« J’habite mon corps » |
Corps prenant le statut de sujet, impliquant un acte de perception plus élaboré, le ressenti devenant lieu d’expression de soi à travers les perceptions internes |
« Je suis mon corps » |
Corps faisant partie intégrante du processus réflexif de la personne à travers des tonalités qui livrent un fort sentiment d’existence |
« J’apprends de mon corps » |
Corps sensible, caisse de résonance de l’expérience capable de recevoir l’expérience et de la renvoyer au sujet qui la vit. |
Le travail d’exploration de la subjectivité corporéisée préconisé par Bois sous la présentation précédente « je vis mon corps », « j’habite mon corps », « je suis mon corps » et « j’apprends de mon corps » exige un enrichissement du rapport aux différents instruments internes que sont par exemple, l’attention, la perception, l’empathie, la pensée, la volition. L’enrichissement des potentialités perceptives semble être une condition d’accès à la motivation immanente. Cette précision est primordiale car dans ce type de relation au corps la vie intérieure n’appartient pas seulement à la sphère mentale ou psychique, ce sont également des phénomènes réellement corporels et éprouvés, au cœur de l’immanence.
De l'expérience du corps sensible au concept de lamotivation immanente.
Mon intérêt pour la motivation n’est pas récent puisque le sujet de mon master II de recherche (2006) s’intitulait « psychopédagogie et motivation immanente : étude du rapport à la motivation dans un accompagnement à médiation corporelle d’adultes en quête de sens. ». Dans cette recherche, j’abordais déjà le lien entre l’éprouvé corporel et la mobilisation d’une motivation ancrée dans l’immanence, introduit de façon synthétique par Bois de la manière suivante : la motivation immanente se définit par la mobilisation d’une force interne née de l’expérience vécue de l’intériorité corporelle participant au renouvellement de la manière d’être de la personne. Le mot immanence signifie proprement : qui demeure toujours présent, enveloppé dans autre chose. En final, est immanent, ce qui est compris dans la nature d’un être et qui ne demande pas que l’on fasse appel, pour en rendre compte, à un principe extérieur. La donnée de l’immanence est très complexe et la discussion n’a pas sa place ici. Relevons toutefois, dans la lignée de Spinoza, que l’immanence se nomme aussi « appétit » quand on le rapporte à la fois à l’esprit et au corps. C’est justement cette dimension qui doit être retenue dans le concept de la motivation immanente.
Au cours de l’année 2010, à l’occasion de ma recherche doctorale, j’ai été amené à consulter les travaux des chercheurs du Cerap qui m’ont précédés, j’ai constaté bien qu’étant présente implicitement dans les différents verbatim, la thématique de la motivation mobilisée par les actions physiques n’a pas été étudiée. Ce constat m’interpella et confirma mon objet de recherche ce qui m’a conduit à préciser la question de recherche : Quel est l’impact des actions éducatives corporelles sensibles sur la mobilisation des ressources motivationnelles à renouveler la manière d’être à soi et au monde ?
Un peu plus tard, je constatai en consultant la littérature spécialisée que l’étude du champ motivationnel ne pouvait se concevoir en dehors d’un certain nombre d’indicateurs internes à savoir la « puissance d’agir » du sujet, la nature de l’objet ciblé, le degré de la valeur donnée à l’expérience, la nature de la détermination et le rapport à l’effort qui en découle. Sur cette base de données, j’ai élaboré un premier diagramme qui associe l’expérience du sensible et le processus de mobilisation des ressources motivationnelles. Ce diagramme décrit les indicateurs invariants qui se retrouvent dans le processus de mobilisation motivationnelle en lien avec la motivation immanente et la dimension existentielle : la motivation immanente émergeant d’une expérience vécue et incarnée, l’objet ciblé en lien étroit avec une question existentielle, la valeur donnée au vécu de l’expérience source d’implication du sujet, la détermination générée par un fait de conscience éprouvé entraînant du même coup une mise en action ainsi qu’une persévérance à se maintenir dans l’action.
Perspectives épistémologiques et méthodologiques
Ma recherche s’inscrit résolument dans le champ des recherches qualitatives depuis une posture de praticienne chercheur dans la mesure où elle s’effectue au cœur de ma pratique et dans mon environnement professionnel. « Sur le plan concret de la méthodologie de recherche, j’assumerai la marque de l’implication du praticien chercheur dans le choix de la démarche heuristique, en tant qu’elle autorise – voire qu’elle convie – à une recherche authentique, passionnée, immergée dans le terrain de l’expérience vécue. » (Bois, 2007, 129). Cependant, comme le préconise Bois, « la prise de distance qui doit nécessairement accompagner une telle posture sera garantie en revanche par la démarche phénoménologique, en ce qu’elle assure une description pure et libérée de tout a priori théorique, préalable à l’analyse de données. » (Ibid., 129).
Pour marquer la spécificité de ma recherche dans le courant des sciences humaines et sociales, j’adopterai la démarche compréhensive dont l’origine remonte aux travaux de Dilthey et Weber à la fin du 19ème siècle. « On ne peut nier qu’il y ait des expériences vécues et plus particulièrement, une expérience interne. Ce savoir immédiat est le contenu d’une expérience et l’analyse de ce contenu constitue ensuite la connaissance et la science du monde spirituel. » (Dilthey, 1992, 176).
Critères d’inclusion des participants à ma recherche
J’ai introduit dans ma recherche les dimensions de satisfaction de vie, d’estime de soi et de conscience de soi qui me semblaient être satellite de la manière d’être à soi et au monde. Ainsi, je me suis appuyée sur les échelles de mesure de la satisfaction de vie (ESDV-5, 1989, Blais, Vallerand, Pelletier, Brière), de l’estime de soi (EES-10, 1990, Vallières, Vallerand) et l’échelle révisée de conscience de soi (ERCS-22, 1990, Pelletier, Vallerand) pour inclure les participants à ma recherche. En effet, si je veux évaluer l’impact de la pédagogie perceptive sur la mobilisation des ressources motivationnelles à renouveler sa manière d’être à soi, il me faut m’adresser à une population qui présente une problématique en lien avec une manière d’être à soi et au monde. La « manière d’être » est un concept large puisqu’il englobe le regard que la personne a sur elle et interroge la perception de soi, la perception de sa propre valeur, la conscience de soi, l’estime de soi et la satisfaction à sa propre vie.
J’ai donc choisi, comme critères d’inclusion à ma recherche quinze personnes qui m’ont sollicitée dans un accompagnement en pédagogie perceptive et qui présentent une problématique aux trois tests effectués au préalable.
Mode de recueil de données : guide d’entretien
Les participants qui ont répondu aux critères d’inclusion recevront/ou ont reçu au minimum huit séances de pédagogie perceptive. Ensuite, chacun des participants sera invité à répondre à un entretien individuel sur la base d’un guide d’entretien ciblé sur les indices susceptibles de mettre en relief l’évolution ou non de la mobilisation motivationnelle à renouveler la manière d’être à soi et au monde. Les indices choisis sont au nombre de cinq et sont extraits de certaines questions contenues dans les trois échelles de mesure référencées : indices de centre d’intérêt, indice de capacité d’initiative, indice de perception personnelle, indice de satisfaction de vie en général et indice de conscience de soi.
Chaque indice développé pendant l’entretien fera l’objet de relances ciblées sur la situation antérieure et postérieure à l’accompagnement en pédagogie perceptive. Voici quelques exemples qui illustrent la dynamique du guide d’entretien :
- l’indice de capacité d’initiative donnera lieu aux relances suivantes : « Avant les séances, comment jugiez-vous votre tendance à prendre des initiatives pour obtenir ce que vous souhaitiez ? », suivie de : « Précisez, si les séances ont modifié ou non, votre engagement par rapport à la réalisation de vos souhaits. Et de quelle manière ? ».
- l’indice de satisfaction de vie en général donnera lieu à : « Avant la rencontre avec la pédagogie perceptive, votre vie correspondait-elle de près ou de loin à vos idéaux ? », suivi de : « Précisez si certains de vos idéaux ont évolué ou non au contact de vos séances. Et de quelle manière ? »
- l’indice de la perception personnelle donnera lieu à : « Avant les séances, pensiez-vous être une personne de valeur au moins égale à n’importe qui d’autre », suivie de : «Précisez, si votre tendance à vous donner ou pas de la valeur s’est modifiée au contact de la pédagogie perceptive. Et de quelle manière ? »
- l’indice de conscience de soi donnera lieu à : « Avant les séances, aviez-vous tendance à réfléchir beaucoup sur vous-même, ou une tendance à être attentif aux sentiments qui vous animent ? », suivie de : « Dans quelle mesure le contact avec la pédagogie perceptive a eu ou non une influence sur votre façon de réfléchir sur vous-même ? ».
EN CONCLUSION
Le sujet de la motivation peut apparaître simple au prime abord. Pour certains la motivation apparaît naturelle, sans effort, portée par une soif, un besoin d’apprendre, de découvrir qui semble inné. Pour d’autres, elle demande un effort. La motivation serait-elle un processus qui s’enrichit et se nourrit au cours de nos expériences ? S’apprend-elle ? S’éduque-t-elle ? Si derrière le terme de la motivation se cache tous les ressorts qui poussent les personnes à agir, à penser, à exister, qu’en est-il des personnes qui n’ont pas encore découvert la motivation à vivre et qui fait que la vie se révèle peu captivante ? La motivation que je souhaite aborder, ne touche pas seulement le domaine de la réussite professionnelle, sociale, familiale, mais elle touche aussi au domaine des besoins existentiels. Ma recherche va dans ce sens et pose une question importante : quelle est la place du ressenti corporel dans le retour à soi et comment à travers ce retour à soi par la médiation corporelle se construit une affirmation de soi qui se prolonge dans les comportements quotidiens. Aujourd’hui, plus que jamais l’homme est placé à gérer une crise existentielle dans un monde en pleine mutation, une transition qui n’est pas sans défi et qui nécessite peut être pour la réussir un retour à des valeurs internes incarnées et sensibles qui participent au renouvellement de la manière d’être à soi et au monde.
Article extrait de l'ouvrage : Bouchet, V. (2013). Le corps sensible source de motivation. Dans B. Andrieu, J. Morlot & G. Richard (sous la dir.), L’expérience corporelle. 5ème Biénnale de l’AFRAPS, 28-29 juin, 2012. Clapiers : Éditions AFRAPS. pp125-145