La pédagogie perceptive à l’école maternelle et primaire

Auteur(s) :

Murielle Barazer - D.U. en mouvement, art et expressivité, D.U. en pédagogie de l’expressivité

Formatrice en gymnastique sensorielle

Pascale Lesauvage - D.U. en somato-psychopédagogie, spécialisation en pédagogie perceptive adaptée à l’enfant

Praticienne en somato-psychopédagogie

Depuis deux ans, nous animons ensemble des ateliers de gymnastique sensorielle ludique (outil de la pédagogie perceptive) dans des écoles maternelles et primaires en région parisienne.
Dans les écoles maternelles, nous accompagnons des enfants de trois à cinq ans rencontrant des dificultés d’apprentissage (problèmes d’attention, de concentration), des problèmes comportementaux (agressivité, violence, hyperactivité, introversion) ou des difficultés relationnelles. Les ateliers se déroulent par petits groupes de cinq à sept enfants et ils durent de vingt à quarante-cinq minutes selon l’âge des enfants. Les enfants sont choisis par leur enseignant.

Dans les écoles primaires, les enfants (du CP au CM2) viennent d’eux-mêmes découvrir cette nouvelle activité parmi d’autres déjà proposées (chant, sport, bracelets brésiliens, jeux de construction, etc.). Ils s’inscrivent au trimestre et ils peuvent aussi choisir de venir à l’année. Nous avons deux groupes différents, composés de dix à vingt participants ; chaque atelier dure une heure.

Notre pédagogie s’appuie sur le jeu. Nous construisons un projet de départ en fonction des besoins des enfants. Nous les accueillons là où ils en sont en tenant compte de leurs points forts.

À chaque séance, nous posons une intention précise nous permettant d’orienter le choix de nos jeux. Nous ajustons et réadaptons notre projet en fonction des progrès des enfants et de l’évolutivité de notre pédagogie et de notre co-animation. Nous proposons des jeux pour apprendre. Nous installons un rituel d’entame et de clôture de la séance, ainsi qu’un signal de début et de in de séquence pour sécuriser les enfants dans leurs repères et pour rythmer les transitions de jeux. Grâce au côté ludique de la gymnastique sensorielle, à notre guidage verbal spécifique (mots ludiques, répétitions, images amusantes et originales, encouragements, prosodie appropriée) et à notre présence en réciprocité et en co-animation, nous mettons tout en œuvre pour accrocher leur motivation. Nous accordons une place importante à la surprise pour capter leur curiosité et leur attention. Ensemble, nous montrons le jeu aux enfants, en engageant pleinement notre corps et leur donnons des consignes simples et claires, en vérifiant qu’ils les comprennent. Nous laissons du temps à chacun pour intégrer les consignes et pour s’approprier les jeux. Nous veillons à faire des séquences courtes et rythmées. Nous respectons l’évolutivité pendant l’atelier et d’un atelier à l’autre. Nous travaillons sur l’apprentissage par contraste (questions avec des opposés : dedans/dehors, petit/grand, rapide/lent, etc.).

Nous laissons les enfants explorer, guider eux-mêmes quand cela est possible, exposer leurs  idées. Le meilleur exercice étant celui qui émerge dans la séance, en réciprocité. Nous échangeons sur leurs vécus et les aidons à nommer leurs sensations pour leur permettre d’intégrer leurs apprentissages et de progresser.

Nos ateliers se décomposent en différentes phases, basées sur les fondamentaux d’apprentissage et adaptées au développement de l’enfant : temps d’accueil ; alternance entre débridage, moments calmes, rythmes, jeux avec accessoires, expressivité ; temps d’échanges.

Nous créons nos jeux en fonction de nos compétences et de nos expériences. Nous nous inspirons également de livres pour enfants et de chansons. Nous partageons nos expériences avec d’autres professionnels pour enrichir et pour faire évoluer notre pratique. Nous créons en réciprocité avec les enfants en y apportant notre propre créativité pour adapter nos jeux à la pédagogie perceptive, en fonction des tranches d’âges et des difficultés des enfants. Nous listons ces jeux au fur et à mesure des ateliers, en notant le déroulement, la pertinence et les effets escomptés et constatés. Nos jeux se pratiquent en individuel, à deux ou en groupe. La durée des séquences est généralement courte chez les enfants et varie selon leur âge et de leurs capacités attentionnelles, cognitives et émotionnelles.

Nous travaillons sur des thématiques telles que le rapport au corps, au temps, à l’espace et au langage ; l’attention et la concentration ; la mémoire ; la confiance ; la motivation ; la gestion des émotions; l’écoute de soi, de l’autre et des consignes ; la relation à soi, à l’autre et au groupe ; l’évolutivité et l’adaptabilité ; l’autonomie et l’expressivité.

Nous utilisons des accessoires variés : frites, ballons, marionnettes, tapis, masques, chansons, livres d’histoire, chaises, dessins, cartes, etc. La photographie tient une place importante dans notre pédagogie. Elle permet aux enfants de se poser, de se voir, de rire, de se valider. Elle nous permet de garder une trace, de capter des détails sur les postures et les expressions des enfants. Elle permet de témoigner auprès des enseignants, parents et responsables de mairie.

La construction d’une relation avec l’équipe enseignante fait partie de nos facteurs de succès. Nous nous appuyons sur leurs connaissances des enfants et sur leurs retours du terrain pour faire évoluer nos ateliers. Nous faisons des bilans d’étape deux ou trois fois au cours de notre mission. Cette expérience nous a révélé la complémentarité entre la pédagogie des enseignants et la pédagogie perceptive.

Au cours de nos ateliers, nous constatons des bienfaits visibles sur les enfants au bout d’environ sept séances : relâchement physique, calme, meilleure coordination des mouvements, intégration progressive de nos consignes, expression d’une émotion plus consciente (grande joie ou colère), rapport au langage plus construit.

Nous observons des changements notables et stables après une dizaine de séances : arrêt total d’un comportement violent, passage d’un état d’intro- version à un état plus afirmé, construction d’une relation à l’autre, capacité à effectuer un mouvement arrière, capacité à contacter leur imaginaire et à travailler en groupe.

Nous sommes intimement convaincues que la pédagogie perceptive à l’école a une efficacité sur les comportements, les apprentissages et les motivations des enfants. Nous avons rencontré des enfants heureux de participer à nos ateliers, des enseignants et des responsables de collectivités locales ravis de découvrir une méthode pédagogique innovante en complémentarité avec l’école d’aujourd’hui.

 

Murielle Barazer
Pascale Lesauvage

Informations de publication: 
In Le corps dans la société, le corps à l’école. Publication numérique éditée par le Centre Dramatique de Wallonie pour l’enfance et la jeunesse, avec le soutien de la communauté européenne (http://www.cdwej.be/documents/pdf/publicationcorps.pdf)